mercredi 6 avril 2016

Cours de rhétorique et de décryptage des médias à l'école

Dans la vidéo ci-dessous, Ingrid Riocreux analyse le langage des médias.

Elle préconise un cours de rhétorique à l’école pour aider à analyser les médias, apprendre à débattre civilement, analyser les erreurs de logique, les effets de style. Introduire un cours de rhétorique à la place de l’instruction civique et morale [en France] « où le professeur est censé organisé des débats, mais pour débattre il faut savoir débattre, comment prendre la parole, comment contrer un argument. [...] Dans les faits qu’est-ce qui se passe ? Ces débats sont souvent l’occasion de vérifier que la doxa médiatique a bien été enregistrée. »

C’est exactement le reproche que des gens comme la CLÉ ont fait à l’égard du cours ECR, mais voilà qu’un des pères du cours ECR veut en remettre une couche et étendre encore la dimension « éducation civique et morale » à de nouveaux programmes !

Notons au passage que la rhétorique était la sixième année du cours classique. Horresco referens !

Cette compétence a été remplacée par le dialogue dans le cours ECR (dialogue qui peut même se faire seul...), mais avec cette désagréable impression de rechercher le consensus, de promouvoir les valeurs « progressistes » à la mode, d’ébranler les certitudes ou les opinions des réactionnaires. Dans sa recherche d’un consensus à la mode transparaît une vision quelque peu iréniste (bisounours) qui semble exclure le tragique, comme si certaines positions n’étaient pas irréconciliables.




Ingrid Riocreux est agrégée de lettres modernes et docteur de l’université Paris IV Sorbonne dont elle est actuellement chercheur associé. Dans son ouvrage « La langue des médias », elle observe et analyse le parler journalistique qui ne cesse de reproduire des tournures de phrases et des termes qui impliquent un jugement éthique sur les évènements. Pour l’auteur, « on passe de la destruction de la langue à la fabrication du consentement ». Ingrid Riocreux relève la faiblesse de la compétence linguistique chez les journalistes, leur volonté d’utiliser des « mots valises » ou des expressions convenues comme le mot « dérapage » ou « phobie ». L’auteur dénonce la dérive du journalisme qui assure de plus en plus nettement une fonction d’évaluation morale : » l’inquisiteur et le journaliste sont, chacun dans des sociétés différentes, des gardiens de l’ordre ». Ce livre est conçu comme un manuel de réception intelligente à l’usage des téléspectateurs exposés aux médias classiques d’information et citoyens qui se tournent, de plus en plus nombreux, vers la réinformation.

L’avis de Zemmour (cité dans la vidéo ci-dessus) sur le livre :

Décrypter des médias férus de décryptage : œuvre salutaire remplie par cet ouvrage qui analyse la langue des médias pour mieux comprendre comment ils nous manipulent.

La ménagère de moins de 50 ans a bien changé. Elle ne regarde plus Les Feux de l’amour sur TF1, mais les « flashs » sur les chaînes d’information. Elle ne note plus fébrilement les recettes de cuisine, mais les fautes de grammaire et de syntaxe des journalistes à l’antenne. Elle est agrégée de lettres et élève ses enfants tandis que baisse le niveau. La presse écrite a de la chance, elle a échappé au scanneur de notre agrégée. Ingrid Riocreux est allée au plus urgent et au plus puissant : la télévision et (accessoirement) la radio. Et au sein de l’audiovisuel, elle a privilégié les chaînes d’info et leur robinet toujours ouvert. Ouvert sur quoi ? De l’information, nous diront, la bouche en cœur, journalistes et patrons de l’antenne. Mais l’étymologie d’« informer », c’est « doter d’une forme », nous rappelle notre lettrée. Informer, c’est donc avant tout communiquer. Et la communication d’aujourd’hui ressemble de plus en plus à la propagande d’autrefois.

« L’information est un enrobage du réel », nous assène à juste titre notre auteur. Reste à déterminer la qualité de l’enrobage. Ce qui n’est pas difficile : sans-frontiérisme, antiracisme, européisme, féminisme, voilà les quatre points cardinaux de la boussole du journaliste contemporain. Ce sont d’ailleurs les fondements de ce fameux « politiquement correct » qui n’est pas, contrairement à ce que pense notre auteur, ce « consensus du mensonge », cet « ensemble des vérités prémâchées qui soudent une société pour maintenir la paix civile », mais un corpus idéologique, né dans les esprits brillants des maîtres de la « déconstruction » (tous français : Derrida, Deleuze, Foucault, Bourdieu, etc.), idées en vogue dans les campus américains contestataires des années 1960, qui ont répandu dans le monde, et en particulier en France, l’exaltation des minorités au détriment de la majorité, de la marge au détriment de la norme, de la femme au détriment de l’homme, de l’enfant au détriment du père, de l’étranger au détriment de l’indigène. Et ce n’est qu’au fil des années que ce corpus idéologique, relayé par les médias et les universités, et accessoirement les écoles de formation aux métiers de la communication, s’est dégradé en une vulgate pour journaliste débutant : « Le discours du journaliste est cousu d’idées toutes faites dont le journaliste ne perçoit pas le caractère arbitraire. »

Ingrid Riocreux a une démarche pédagogique. Elle part des fautes de grammaire, de syntaxe (« l’école où ils s’y font des amis » ; « être sous écoute » ; « par-delà le monde », etc.) pour arriver à la manipulation des esprits. Pour reprendre la terminologie de l’auteur, « la destruction du langage » est une arme majeure au service de la « fabrication du consentement ». L’affaiblissement dramatique de la langue chez les jeunes journalistes de chaînes d’info n’est que le reflet de l’effondrement du niveau scolaire de ces dernières décennies. La manipulation des esprits, elle, est le plus souvent inconsciente, presque ingénue. Notre journaliste se croit un homme de faits au service d’une éthique d’objectivité ; il est en vérité un homme de convictions au service d’une idéologie. Il se croit libre, car sa « soumission n’est pas politique, mais idéologique ». Il est le bon soldat de la paix civile et du progrès. Il sépare le monde entre gentils et méchants. Partage l’univers des idées entre les « avancées » et la « réaction ». Il pose une question non pour avoir une réponse, mais pour vérifier l’adhésion au dogme de la personne interrogée. Quitte à la faire rentrer dans le rang, si elle a « dérapé ». Le journaliste est un inquisiteur. Un « Torquemada bienveillant ». C’est un homme de foi qui se croit un être de raison.

Notre auteur le démontre avec un rare bonheur, sans se lasser (et il y aurait de quoi !). Sans acrimonie non plus (et il y aurait de quoi !). Ces innombrables exemples, tirés des débats récents — islam, laïcité, mariage pour tous, théorie du genre, Europe, climat, migrants, Califat, etc. — éclairent à l’envi la mauvaise foi, les questions orientées, la sémantique toujours mise au service d’une idéologie. La machine médiatique comme arme majeure de cette guerre idéologique. Cette démonstration implacable ruine le nouvel argumentaire de la bien-pensance selon lequel « les idées réactionnaires » domineraient désormais le paysage médiatique et intellectuel. Comme le résume pertinemment notre auteur : « Celui qui a le pouvoir, c’est le journaliste qui invite ».

Alors, que faire ?, selon la célèbre question posée par Lénine il y a un siècle. Une réponse est déjà donnée sur Internet par les sites de « réinformation ». Notre auteur les regarde avec une méfiance critique. Elle les accuse d’être devenus aussi manipulateurs que leurs adversaires médiatiques dominants. Il faut la rassurer : la marge est encore grande. Et puis, ces sites « réactionnaires », « identitaires », peu importe leur nom, ont eu l’immense mérite de briser le monopole idéologique sur l’information du « politiquement correct ». Ces sites ont, en fait, réintroduit la diversité authentique qui régnait dans la presse française, parmi les quotidiens, jusqu’aux années 1970. Ils ont déstabilisé la bien-pensance, qui sait qu’elle n’est plus seule. Qu’elle est sous surveillance. Qu’elle sera corrigée si elle veut dissimuler ou contrefaire.

On a pu encore le constater récemment avec les violences commises par les « migrants » sur les femmes allemandes dans les rues de Cologne que les grands médias ont essayé, en vain, de dissimuler au grand public, avec la complicité de la police. Au-delà de cette bataille, notre auteur réclame légitimement le grand retour de la rhétorique à l’école, afin que celle-ci devienne un lieu où on « apprenne vraiment à débattre et pas à mesurer le degré d’imprégnation des individus par la propagande officielle ». Auparavant, il faudrait déjà que l’école transmette de nouveau une culture, un savoir. Une histoire, une langue. La suite sera donnée de surcroît. Mais il ne faut pas rêver.




Présentation de l’éditeur

Les journalistes se présentent volontiers comme des adeptes du « décryptage ». Mais est-il autorisé de « décrypter » leur discours ? En analysant de très nombreux exemples récents, ce livre montre que les journalistes ne cessent de reproduire des tournures de phrases et des termes qui impliquent en fait un jugement éthique sur les événements. Prenant pour des données objectives des opinions qui sont en réalité identifiables à des courants de pensée, ils contribuent à répandre nombre de préjugés qui sont au fondement des croyances de notre société. Si le langage du Journaliste fonctionne comme une vitre déformante à travers laquelle on nous montre le présent, il est aussi une fenêtre trompeuse ouverte sur le passé et sur l’avenir. Analyser le discours du Journaliste, c’est donc d’une certaine manière mettre au jour l’inconscient de notre société dans tout ce qu’il comporte d’irrationnel. Ce livre est conçu comme un manuel de réception intelligente à l’usage des lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs quotidiennement exposés aux médias d’information. Son ambition est de lutter à la fois contre la naïveté et la paranoïa complotiste afin de n’être plus « orientés par un discours orientant ».

Biographie de l’auteur

Ingrid Riocreux est agrégée de lettres modernes et docteur de l’Université Paris-Sorbonne. Elle est actuellement chercheuse associée à l’Université Paris IV.


La Langue des médias : Destruction du langage et fabrication du consentement
d’Ingrid Riocreux,
paru le 16 mars 2016,
à Paris,
chez L’artilleur,
336 pages.
ISBN-10 : 2 810 006 962
ISBN-13 : 978-2810006960



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